Cinq joueurs de hockey de l’équipe canadienne junior médaillée d’or du monde junior 2018 font face à des accusations en lien avec une allégation d’agression sexuelle en groupe contre une femme après un gala à London, en Ontario. il y a six ans.
Les avocats ont identifié leurs clients comme étant des joueurs actuels et anciens de la LNH : Michael McLeod et Cal Foote des Devils du New Jersey ; Dillon Dubé des Flames de Calgary; Carter Hart des Flyers de Philadelphie ; et Alex Formenton, actuellement de l’équipe suisse HC Ambri-Piotta et auparavant des Sénateurs d’Ottawa.
Les avocats des joueurs ont publié des déclarations individuelles affirmant que leurs clients étaient innocents ou plaideraient non coupables.
La police de Londres a annoncé qu’elle tiendrait une conférence de presse sur l’enquête le 5 février.
Indépendamment de ce qui suit, il devient de plus en plus clair que les accusations d’agression sexuelle ne peuvent plus être réduites au silence ou balayées sous le tapis dans le sport et dans d’autres contextes.
Hockey Canada a versé un règlement non encore déclaré à E.M., le demandeur dans une poursuite pour agression sexuelle de 3,55 millions de dollars contre des membres de l’équipe nationale junior du monde 2018. Un montant supplémentaire de 6,8 millions de dollars a été consacré aux règlements liés à Graham James, l’entraîneur de hockey junior reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement de jeunes joueurs qu’il avait entraînés dans les années 1990.
Hockey Canada a dépensé un total de 8,9 millions de dollars dans 21 règlements pour abus sexuels depuis 1989. De ce total, 7,6 millions de dollars provenaient des cotisations des membres et de l’investissement généré par le Fonds national d’actions, et 1,3 million de dollars provenaient de son assurance. Hockey Canada a depuis annoncé qu’il n’utiliserait plus les fonds provenant des cotisations des membres pour régler les réclamations pour agression sexuelle.
Plus que quelques pommes pourries
L’« Effet Lucifer » du psychologue Philip Zimbardo affirme que, lorsqu’il s’agit d’abus, il ne s’agit pas seulement d’éliminer quelques « pommes pourries » – souvent, c’est tout le baril qui est gâté. L’ensemble du système de fabrication des fûts doit être repensé pour produire uniquement les meilleurs fûts pour contenir et conserver les pommes avec intégrité.
Les défenseurs de la protection du sport soutiennent que, même si des efforts comme la Commission sur l’avenir du sport au Canada récemment annoncés peuvent résoudre des problèmes systémiques en restructurant le leadership sportif et les structures de gouvernance, les pommes pourries restantes continueront d’abuser du pouvoir, faisant dérailler le véritable changement au sein de Hockey Canada.
Ceux qui abusent de leur pouvoir et profitent du déséquilibre des pouvoirs exerceront ce pouvoir pour préserver le statu quo. Les chercheurs ont identifié que les réponses typiques des dirigeants aux allégations d’abus incluent la complicité, la collusion, le contrôle et la dissimulation.
Il existe des preuves de cela au sein de nombreuses organisations sportives nationales canadiennes qui tentent de changer, notamment Hockey Canada, Gymnastique Canada, Rowing Canada, Soccer Canada et Bobsleigh et Skeleton Canada.
Selon la théorie de Zimbardo, les dirigeants doivent éliminer les pommes pourries tout en s’attaquant aux problèmes systémiques – ce n’est qu’alors qu’ils seront en mesure de créer et de maintenir des barils de qualité et durables. Sinon, les pommes pourries existantes empoisonneront les nouvelles, pourrissant le baril de l’intérieur.
Puissance dans le hockey canadien
Hockey Canada a connu des changements radicaux avec la démission et la reconstitution du PDG et du conseil d’administration. Le nouveau PDG a été nommé en septembre 2023, mais il est important de noter que nouveau ne signifie pas nécessairement différent.
L’agression sexuelle est un abus de pouvoir. On pourrait soutenir que la culture de misogynie et d’agression sexuelle évidente dans les environnements de hockey est le produit d’un abus de pouvoir normalisé dans le monde du hockey :
Les entraîneurs ont le pouvoir sur la carrière des athlètes
Les ligues de hockey ont le pouvoir sur la carrière des entraîneurs
Les bailleurs de fonds ont le pouvoir sur les PDG
Les vétérans ont le pouvoir sur les recrues
Les hommes ont souvent du pouvoir sur les femmes
Bien que souvent bien intentionnées, les structures et hiérarchies déséquilibrées en matière de pouvoir permettent aux individus et aux groupes d’abuser de leur pouvoir. Le déséquilibre des pouvoirs est souvent recherché et préservé comme un moyen erroné d’atteindre la stabilité, la sécurité, la domination et le contrôle.
Cependant, le manque d’indépendance peut également conduire à un manque de transparence et à des processus concrets de responsabilisation, ce qui entraîne un cycle récursif d’abus et de corruption – un phénomène bien documenté dans les rapports universitaires, médiatiques et gouvernementaux.
Réparer le système sportif
Les dirigeants de Sport Canada doivent éliminer les pommes pourries tout en restructurant un nouveau système sportif équilibré en termes de pouvoir, fondé sur l’indépendance, la transparence et la responsabilité. Il suffit de considérer les meilleures pratiques dans le sport lui-même comme modèle pour le système sportif canadien dans son ensemble.
L’indépendance doit être intégrée au système en séparant l’évaluation, l’éducation et la qualification. De grands entraîneurs forment et évaluent les athlètes, mais un organisme indépendant détermine les qualifications en fonction des normes de médaille d’or.
Par exemple, les Comités olympiques international et national déterminent les normes de qualification pour les Jeux olympiques et les fédérations internationales effectuent des recherches et fournissent des normes de médaille d’or pour chaque sport.
Les organisations sportives nationales devraient être guidées par leurs fédérations internationales pour adopter des objectifs, des critères et des mesures de performance bien documentés, qui devraient tous être rendus publics. Sport Canada devrait ensuite utiliser ces critères pour demander des comptes aux organisations sportives nationales.
Une plus grande transparence est nécessaire
Trop souvent, les coachs et les dirigeants organisationnels occultent les critères et les procédures pour permettre une prise de décision subjective. Un excellent entraîneur publie tôt et souvent les objectifs de performance, les critères et les mesures, ainsi que les résultats de la performance des athlètes, quotidiennement et publiquement.
Cette approche peut être adaptée à tout type d’organisation ou de groupe sportif. Sport Canada doit s’assurer que les critères d’évaluation sont complets, publics, objectifs et fondés sur les normes de pratique.
La transparence crée un modèle de partenariat d’objectifs partagés et de processus collaboratifs, plutôt qu’un modèle de contrôle autoritaire et de conformité déséquilibré en termes de pouvoir.
Sport Canada a besoin de responsabilisation
La responsabilité exige des démonstrations concrètes de changement. Sport Canada a été réprimandé pour avoir mis en œuvre des processus de vérification superficiels tels que le Code canadien de gouvernance du sport et le système de bulletins de notes, qui ont depuis été abandonnés.
Lorsque les conseils d’administration ne fournissent pas à la fois des conseils et un cadre de responsabilité clair, il est facile pour les PDG ou les directeurs exécutifs d’abuser de leur pouvoir.
Selon de bons principes de gouvernance, Sport Canada doit créer un cadre de responsabilisation solide qui exige comme condition de financement des preuves vérifiables de la mise en œuvre des politiques et du respect des normes de pratique.
Pour bâtir des organisations, des structures, des politiques et des processus sportifs sûrs, sains et performants, l’équilibre des pouvoirs du système dans son ensemble doit être repensé et ceux enclins à abuser du pouvoir doivent être éliminés.
Ceux qui causent des dommages doivent également être expulsés et inculpés pénalement conformément à la loi. Les autres personnes qui dissimulent des abus ou qui sont des spectateurs négligents doivent être soumises aux mêmes normes. Ce n’est qu’en s’engageant en faveur de l’indépendance, de la transparence et de la responsabilité que les organismes sportifs pourront devenir un espace qui défend non seulement l’excellence mais aussi le bien-être de tous ses participants.